Une soirée dédiée aux arbres !
Dans le cadre de l’exposition ‘nous les arbres’, la Fondation Cartier pour l’art contemporain a organisé ce samedi 13 juillet, une soirée dédiée : La nuit des arbres, animée par le mathématicien Cédric Villani.
Cette soirée a réuni scientifiques, philosophes et artistes en vue d’échanger sur leur expérimentations, regard et ressenti sur les arbres.
De passionnants invités se sont ainsi relayés sur ce thème : Raymond Depardon et Claudine Nougaret (auteurs du film Mon Arbre), François-Michel Le Tourneau (géographe, directeur de recherche au CNRS), Miroslav Radman (biologiste généticien), Caroline Mollie (architecte-paysagiste) et Emanuele Coccia (philosophe), Francis Hallé (botaniste et biologiste) puis Stefano Mancuso (biologiste, fondateur du Laboratoire international de neurobiologie végétale) et Fabrice Hyber (artiste).
Un bel engouement du public lors de cette nuit des arbres, qui a suscité une très forte participation !!!
Compte rendu de débats choisis à la nuit des Arbres
La déforestation au cœur du sujet :
François Michel Le Tourneau, Géographe et Directeur de Recherche au CNRS nous commente son expérience de la foret primaire et sa réflexion sur l’exploitation de la foret.
François Michel Le Tourneau a partagé sa réflexion suite à ses nombreuses expéditions en Amérique du Sud et sa vision de l’occupation passée et présente de la foret.
Il nous rappelle l’essence de l’exploitation des forets primaires de peuples pauvres par des pays riches : or, pétrole, foret. Et rajoute, par là même que nous sommes tous participants contre la déforestation et en même temps tous contributeurs de celle-ci… La foret qu’il raconte n’a jamais été vierge réellement car elle a de tout temps été habitée par un peuple vivant dans et grâce à la foret mais tout en préservant sa biodiversité. Elle a aussi été parcourue par des missions scientifiques, des chercheurs d’or, des bucherons…
Le dialogue avec l’Occident est compliqué et peu sont les pays qui investissent pour aider financièrement ces territoires afin d’éviter la déforestation. Il explique la difficulté de convaincre des pays qui souhaitent se développer au même titre que l’Occident et leur urbanisation croissante aussi.
Il déplore qu’il y ait toujours une finalité utilitariste par l’homme vis-à-vis de l’arbre et non pas une considération de l’arbre comme un conjoint dans l’évolution des êtres vivants!
‘La biodiversité est une réserve pour la survie de toutes les espèces. Les hommes vivant en forêt ont acquis capacité à gérer la complexité de cet écosystème et accepté un rapport agricole moindre afin de le préserver !’
Comprendre l’importance de l’évolution dans la sélection naturelle !
Par Miroslav Radman, biologiste généticien.
Pour Miroslav Radman, l’importance de l’évolution devrait être l’axe central de l’éducation des enfants. Il se questionne : ‘Pourquoi tout le monde n’est pas convaincu ? Parce que l’on ne voit que les espèces survivantes !’
La sélection fait que tout ne pousse pas en même temps.
L’évolution consiste en processus infini de tentatives ! Or, il y a une absence de comptabilité des échecs pour chaque succès !
La sélection décide que sera le succès. Mais le processus est le même pour les échecs et les succès. Il a fallu des milliards d’années de tentatives pour expliquer la diversité.
Il conclut : ‘L’arbre est le paradigme de l’évolution’.
L’embellissement des villes et le peu de cas fait à l’arbre..
Caroline Mollie, architecte paysagiste et auteure ‘des arbres dans la ville’ nous conte son expérience de l’arbre urbain.
Caroline Mollie évoque la notion de beauté des espaces dans la ville même si l’arbre y trouve rarement sa place. Elle rappelle qu’historiquement un projet d’assainissement d’une ville au 18e siècle se déclinait sous le titre de ‘plan d’embellissement’. Cependant si l’arbre a valeur d’agrément, elle insiste surtout sur l’équilibre fondamental entre le développement du houppier et le développement racinaire souvent négligé dans les projets de paysage.
Ses conseils de plantation sont appuyés par plusieurs projections très richement illustrées avec un regard sceptique sur le concept de foret verticale et critique envers le maintien d’olivier millénaire en pot…
Elle argumente que la construction de la ville en Occident s’est faite en excluant l’arbre mais que la tendance actuelle vise à repousser les voitures, à donner la place aux arbres et à ne plus imperméabiliser les sols.
En concluant :
Il est temps de ‘trouver une sagesse et faire respirer. Prendre son temps.’
Emmanuele Coccia, philosophe et auteur de ‘la vie des plantes‘, rivages, 2016 interprète, lui, le concept de foret verticale comme un acte avant tout symbolique. Cette conception incarne la modernité ! Il sous entend, par là, que le modernisme architectural doit nous ramener vers la foret, nous réconcilier avec la foret et qu’il faut inviter les arbres en ville !
Le coupable c’est Aristote !
Propos de Francis Hallé :
‘La ville sans les arbres c’est un enfer !… et souvent ce sont les villes ou il fait très chaud dans lesquelles il n’y a pas d’arbre.’
‘Le coupable c’est Aristote !
Il a créé une hiérarchie dans laquelle figure l’être humain en haut de la pyramide et tout en bas les plantes et les pierres.’
La négligence faite aux arbres est ainsi culturellement historique.
Il rappelle qu’en forêt tropicale, les sols sont très minces du fait de la présence de nombreux décomposeurs. Les sols mis à nu sont donc très fragiles et disparaissent lors de la déforestation.
Francis Hallé a pour projet actuel : la recréation d’une forêt primaire en Europe qui traversera plusieurs pays !
Comprendre l’intelligence des plantes :
Démonstration captivante par Stefano Mancuso, Biologiste et fondateur du laboratoire international de neurobiologie végétale à Florence, en Italie.
Stefano Mancuso nous remémore que la vie sur terre est constituée de 85 % de plantes !
Or, la vision de l’homme a relégué la plante à un statut de passivité et la considère comme un animal avec un handicap !
Pourtant 85% de la vie sur terre ne comporte pas d’organes !
Les organes sont des points de faiblesse. En effet, les plantes ayant diffusé l’ensemble de leurs fonctions sur l’intégralité du corps, sont moins vulnérable à l’atteinte d’une de leur partie….
Les plantes sont plus sensibles que les êtres humains : elles peuvent percevoir plus de détails. Elles sont ainsi capables de percevoir jusqu’à 20 paramètres simultanément. N’ayant pas la capacité de se mouvoir rapidement, elles recueillent ainsi des informations sur leur environnement afin de pouvoir résoudre des problèmes de survie.
L’histoire de l’évolution s’inscrit ainsi dans cette logique.
De plus, il n’y a pas de notion individualiste chez une plante. Les plantes constituent un groupe, une communauté essentielle et fondamentale !!! (pour la survie s’entend).
Les recherches scientifiques ont mis en évidence un endroit minuscule sur la pointe des racines qui a le potentiel d’action d’un centre de commande. Celui-ci (faisant référence à l’‘apex racinaire’) est analogue à un minuscule cerveau mais que l’on ne peut qualifier ainsi car c’est différent.
Stéfano mancuso appuie ses propos par une démonstration saisissante !!! une projection nous montre en accéléré :
- dans un labyrinthe créé par le laboratoire de recherche, une racine qui s’avère capable de détecter et de se diriger vers un nutriment !
- des pousses de plantes qui s’unissent pour ôter une contrainte (plaque de verre maintenue par un poids) limitant leur progression vers la lumière (photo ci-dessous) !
Voici quelques lectures faisant écho avec certaines thématiques évoquées :
- Michon, Geneviève. Agriculteur à l’ombre des forets du monde. Actes Sud, 2015.
- Mancuso, Stefano. La Révolution des plantes: Comment les plantes ont déjà inventé notre avenir. Albin Michel, 2019.
- Pour la Science, hors série. La révolution végétale, novembre -décembre 2018
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