Le projet d’une grande forêt primaire en Europe de l’Ouest de Francis Hallé :
Francis Hallé, botaniste et biologiste français, spécialiste renommé des arbres et des forêts tropicales, a initié un projet de très grande envergure via l’Association Francis Hallé pour la forêt primaire en ce début d’année 2019. Il a abordé discrètement ce sujet lors de la Nuit des arbres, en Juillet à Paris, mais le projet est bel et bien amorcé…
L’urgence et l’à-propos de ce projet s’avère d’autant plus éloquent face aux nombreux incendies qui ravagent dernièrement les forêts primaires d’Amazonie, d’Afrique et d’autres forêts en Méditerranée.
Mais, à vrai dire des débats internationaux n’ont eu de cesse d’aborder le sujet de la déforestation dont, entre autres, les ‘sommets de la terre’ dès 1972 à Stockholm, puis à Nairobi en 1982 puis lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement à RIO en 1992, GIEC…etc. Pour autant, les forêts continuent à perdre du terrain un peu partout dans le monde. On assiste tristement à la perte des plus grandes forêts sauvages du monde et de leur faune et flore associées.
Si le débat s’ensuit aujourd’hui sur l’influence de ces dégâts sur la concentration de CO2 pour le reste du monde, il n’en est pas moins une perte incommensurable en terme de patrimoine naturel, faunistique, floristique mais aussi culturel et médical mondial.
Dans une démarche de très long terme, l’association Francis Hallé ambitionne des objectifs primordiaux, dont :
<< – Concourir à la préservation, à la défense, à la connaissance, au développement et à la renaissance des forêts primaires dans le monde;
– Encourager, au niveau national et international la mobilisation de cette ressource essentielle au service de la bio-diversité et d’un développement équilibré de la vie sur notre planète ;
– Créer toutes les conditions pour transmettre aux générations futures de nouveaux biens communs naturels reconstitués et pérennes etc.>>
D’ors et déjà de nombreux scientifiques, experts forestiers, botanistes, naturalistes et autres professionnels et particuliers soutiennent cette démarche.
Si vous êtes intéressé(e) par ce projet de reconstitution d’une forêt primaire en Europe, vous pouvez également y adhérer en contactant :
Association Francis Hallé, pour la Foret primaire
Mairie, 8, rue de la Collégiale, 87120 Eymoutiers
Email : fhalle.assoc@posteo.net
Page Facebook
et depuis juin 2020 nouveau site internet: www.foretprimaire-francishalle.org/
CARACTERISTIQUES D’UNE FORET PRIMAIRE
Vidéo de Francis Hallé :
Ainsi, toutes les forêts anciennes ne sont pas primaires, elles sont dites secondaires quand elles sont régénérées depuis longtemps sur une forêt autrefois détruite ou dégradée, significativement modifiée ou exploitée par l’Homme.
Par ailleurs de nombreuses forêts primaires dites vierges conservent quelques traces d’occupation humaine. De la forêt primaire à une forêt à haut degré de naturalité mais domestiquée et transformée :
Une matrice originelle…
‘une forêt qui nourrit, qui soigne’ selon les propos de Geneviève Michon à l’étude des agroforesteries vernaculaires : ‘Les dernières forêts tropicales représentent l’écosystème terrestre le plus riche en biodiversité, abritant à elles seules plus de 70% des espèces présentes sur les terres émergées… Leur disparition entrainera celle de grands mammifères ainsi que celle de milliers d’espèces de plantes…’ ‘comme une plongée dans une matrice originelle, tiède, humide, parfumée, enveloppante…‘ ‘les traits caractéristiques des forêts anciennes : des arbres majestueux, sous-bois arbustif lâche et une puissante impression de cathédrale végétale…’(a)
Des graines de nuages pour Ernst Zürcher
‘Les substances gazeuses émises par les arbres, des composants organiques volatils, subissent sous l’effet de la lumière une condensation photochimique et agissent alors comme des ‘noyaux de condensation de nuages. Ce ne sont pas les masses d’air en mouvement qui sont à l’origine du cycle hydrologique mais au contraire les changements de phase de l’eau dans l’atmosphère au-dessus des forêts qui provoquent le déplacement des masses d’air.'(b)
L’association ASTE souligne aussi : ‘Les forêts ont un rôle fondamental au niveau planétaire dans leur relation avec l’eau. Les arbres sont des médiateurs des influences atmosphériques et géosphériques…La forêt primaire est un assortiment de multiples espèces d’arbres de tailles maximales différentes, vivant en symbiose. Il faut parler plutôt de biocénose impliquant en outre les plantes basses, le gibier, les oiseaux et les microorganismes du sol’ (c)
De nos jours, les forêts qui constituent l’Europe actuelle sont des forêts jardinées, plantées. Très largement transformées par l’usage rural et l’exploitation forestière (souvent en monoculture), elles sont totalement dégradées et appauvries…
De la naturalité des forêts…
Un colloque (Chambéry, 2008) évoque la gestion de la biodiversité, naturalité dans la gestion des forêts : ‘Qu’est ce que la naturalité ?
L’originalité d’un écosystème forestier est à mettre en relation avec quatre caractéristiques :
– sa forte biodiversité…
– son organisation spécifique en paysages, habitats, micro-habitats… organisation qui semble indissociable de sa désorganisation, d’où le rôle primordiale des tempêtes et du bois mort par exemple ;
– sa complexité de fonctionnement par perturbation, par flux de gens, flux de matières, relations trophiques et biogéochimiques…
– sa spontanéité qui conduit un écosystème forestier naturel à s’autoproduire, s’autorégénérer, s’autoréguler, s’autodésorganiser.’ (d)
Les zones de forêts primaires sont de plus en plus rares, souvent fragmentées, et isolées, elles couvrent de très faibles territoires dans le monde (e).
Le projet de Francis Hallé a pour vocation de réconcilier l’humanité avec son environnement, avec sa planète. Il explique : ‘Ce projet se situe à l’exact opposé des exigences démesurées d’une économie prédatrice qui épuise les ressources naturelles de notre planète, bouleverse les éco-systèmes et les climats et anéantit notre propre milieu de vie’
OU SONT LES FORETS PRIMAIRES DANS LE MONDE ?
Toutes les forêts primaires sont menacées de disparition dans le monde.
Francis Hallé précise que la forêt primaire a quasiment disparu en Europe et qu’elle a disparu de la France depuis 1850.
Et, si certains pays engagent un effort de reconstruction d’espace de nature en libre évolution, la seule forêt primaire qui perdure en Europe se situe en Pologne, à Bielowiecza, mais cette forêt est désormais exploitée elle aussi.
Ou se situent les grandes forêts primaires dans le monde ?
Selon wikipédia, les trois pôles de forêts tropicales primaires les plus importants (constituant les 2/3) sont localisés en :
• Amazonie (principalement Brésil, Pérou et Colombie),
• République démocratique du Congo (Bassin du Congo),
• Indonésie,
S’ensuit la Guyane française.
L’essentiel des forêts primaires tempérées sont, elles, situées en Patagonie (Chili et Argentine), Tasmanie (Australie), État de Washington (États-Unis) et Colombie-Britannique (Canada).
En Europe, il ne subsiste plus que quelques massifs tels que ceux de Białowieża en Pologne et en Biélorussie, Perućica en Bosnie-Herzégovine ou dans l’extrême nord de la Scandinavie et de la Russie ou sur les reliefs de la Roumanie ainsi que certaines parties de la laurisylve de Madère.
LE PROJET DE FORET PRIMAIRE EN EUROPE EN PRATIQUE :
Comment reconstituer une grande forêt primaire en Europe de l’Ouest ?
Du temps et de l’espace…
Le projet est d’envergure puisqu’il s’agit de constituer une zone tampon laissée en libre évolution, traversant plusieurs pays d’Europe et la France en particulier.
Il est question de 60 000 hectares minimum afin d’y accueillir la grande faune. Ce projet d’envergure dont l’aboutissement ne verrait le jour peut-être qu’en 10 siècles permettrait de reconstituer un véritable patrimoine naturel tel qu’il aurait pu être sans l’intervention humaine.
L’enjeu foncier est important et nécessite la prise en compte d’un Bien Commun à tous ; un espace naturel intact comme un impératif de continuité de la vie sur terre. L’écosystème naturel pourrait se régénérer de façon autonome sans aucune intervention, par une transformation spontanée de la nature en équilibre avec les conditions naturelles du milieu.
L’idée est aussi de contribuer à développer une dynamique d’autres projets similaires reliés entre eux par la mise en place de corridors écologiques, formant un réseau.
UN PROJET AUX NOMBREUSES AMBITIONS :
Objectif 1er : préserver notre environnement vital !
Le projet vise à :
– Contribuer à la lutte contre le changement climatique : la dimension d’une grande forêt constituerait une source de décarbonatation capitale.
– Permettre le libre développement d’une importante réserve de bio-diversité à la fois faunistique et floristique inféodées aux forêts anciennes.
– L’amélioration de la qualité des eaux.
– Redéployer graduellement une continuité de forêts sauvages en Europe.
Développer la Recherche
F.Hallé souhaite que cette forêt puisse donner lieu au développement de la recherche scientifique en biologie, botanique, pharmacologie… au même titre qu’en forêt tropicale.
Sensible à un certain équilibre entre Art et Science, il y projette des pratiques artistiques.
Développer pédagogie, citoyenneté et pratiques artistiques
Des actions de pédagogie et de découverte (conférences, expositions…) auprès du grand public mettraient l’accent sur le respect des sols, des espaces naturels, de la faune et flore.
Faire évoluer le Droit pour la nature.
Le projet rejoint de nombreux courants de pensée actuels sur la nécessité d’une évolution juridique en matière de défense de la Nature, comme sujet de Droit. Voire à ce sujet, les conférences de Valérie Cabanes, Juriste :
Des droits pour la nature ? Vidéo du Musée des Confluences, Novembre 2018.
Ou encore la Déclaration des droits de l’arbre, introduite par l’association A.R.B.R.E.S, en avril 2019.
Transmettre un patrimoine naturel aux générations futures !
Le temps nécessaire à la constitution d’une forêt primaire (sur un espace temps multiséculaire) constitue un message de solidarité autour de cette nature libre mais aussi inséparable de l’histoire de l’humanité sur terre et de sa culture.
Bibliographie citée dans cet article :
(a) Agriculteurs à l’ombre des forets du monde, Geneviève Michon, 2015
(b) ‘Les arbres entre visible et invisible’, Ernst Zürcher, 2016
(c) ‘L’eau, l’arbre et la foret’, Arts, sciences et techniques de l’eau, ASTE 2009
(d) ‘Biodiversité, naturalité, humanité pour inspirer la gestion des forêts’, Lavoisier 2010
(e) Annick Schnitzler-Lenoble, ‘Écologie des forêts naturelles d’Europe’, Lavoisier 2002
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